Échauffement (1ère partie)

Échauffement (1ère partie)

Il me paraît important de réfléchir au sujet de ce moment important pour une pratique sans blessure et sans frustration.

La première réflexion qui m’arrive est que, si nous devions pratiquer notre art dans un autre endroit que le dojo, il nous faudrait évoluer vite et avec énergie sans être passé par la mise en action de notre corps.

Il me revient en mémoire le film de Bruce Lee The way of the dragon qui mettait en rapport Bruce Lee et Chuck Norris, lesquels, avant de s’affronter au Coliseum de Rome, se tournaient le dos d’un commun accord tacite, et s’échauffaient. De même il me revient en mémoire le film Nikita de Luc Besson. Anne Parillaud arrivait sur le tapis sans aucune préparation et, sans le moindre problème retournait la situation à son avantage en mordant son partenaire avec un non-respect des règles qui faisait sourire le spectateur mais qui, d’un point de vue respectueux, allait à l’encontre des règles du Bushido.

Une autre histoire sur cet échauffement me semble importante à comprendre. L’histoire se passe dans le métro lyonnais, un jeune homme de 25 ans se trouve confronté avec un de ces jeunes qui provoquent les passagers de temps en temps. Le jeune homme est gradé en Karaté mais il se fait battre par le plus jeune et quand on lui demande pourquoi il s’est fait battre, sa réponse est la
suivante : « j’ai attendu qu’il me salue »

« Échauffement » pour moi veut dire : « être prêt a tout, vivre, mourir, gagner et perdre », « Préparer son corps à être à l’unisson avec son esprit ».

Ce moment de l’échauffement est non seulement celui où le corps se met en action mais aussi celui qui nous permet de changer de situation et de nous mettre en harmonie avec ce que nous sommes venus faire ici. L’échauffement nous met en attention avec nous-même et il est évident que plus nous progressons, moins l’échauffement « musculaire » est important.
L’échauffement me permet de mettre de la conscience dans mon corps. Chaque fois que je fais un geste, je scanne mon corps pour savoir comment réagissent les différentes parties de celui-ci afin de le former à être prêt quand l’action occultera ma perception du danger. La blessure arrive quand mon cerveau ne peut intégrer le message dangereux et ne peut transmettre à mes cellules la bonne

information, ces cellules formant mes muscles et articulations, me permettant de trouver la bonne réaction.
Dans notre pratique il est rare de faire un geste au-delà de l’imprévu mais il est fréquent de subir un geste au-delà de l’acceptable. L’échauffement nous permet de porter nos sens à un niveau qu’ils ne pensaient pas pouvoir accepter.
Il est aussi fréquent que nous nous échauffions avec un partenaire et, d’un commun accord, la pratique est douce et lente. Notre dilemme en aïkido est celui-ci : on s’entraîne toujours en fonction de notre ressenti, jamais en vue d’un challenge. Ce qui permet de faire un échauffement différent en fonction de la situation.
Pour moi l’échauffement personnel, aujourd’hui, doit être le plus exigeant possible, il me faut faire lentement les exercices qui me demandent le plus d’investissement afin de préparer mon corps à un effort imprévu. Parfois je décide de ne pas faire d’échauffement pour mettre mon corps dans l’incertitude et savoir si l’entraînement quotidien permet d’être prêt à répondre à toute sollicitation du dehors.
Dans notre pratique, l’échauffement nous met aussi à l’unisson avec nos futurs partenaires, on est ensemble, on fait des exercices simples que tout le monde peut réussir. Aussi ne faut-il pas les exécuter de façon mécanique car un jour ou l’autre notre corps devra en payer le prix.
Tous les exercices faits à l’échauffement sont les mêmes que ceux que nous pratiquons avec un partenaire. Si, à l’échauffement, ils ne sont pas parfaits, avec un partenaire ils seront dangereux pour lui et pour moi.
Pour bien contrôler le corps de mon partenaire, il me faut impérativement contrôler le mien de façon irréprochable.
Pour cela il est important de faire un échauffement irréprochable et non de le faire comme une routine mettant en péril l’essence même des arts martiaux.

Philippe Gouttard, le 15 novembre 2006